Dans son cockpit, le jeune chef d'escadrille est géné par le soleil.
Il tourne la tête légèrement de téte, pour ne pas se laisser éblouir.
Son pouce presse la détente.
Le train est encore hors de portée, mais dans quelques secondes, il pourra donner l'ordre de tirer la seconde salve.
Au loin, la locomotive fume par son travers.
Preuve que les balles ont transpercé sa chaudière.
Encore un passage peut-être, et jamais ce convoi ne pourra repartir.
Au bout de son aile gauche, semble se fondre celle de son ailier.
Il lui fait signe, l'attaque est inminente.
Il regarde dans son viseur et s'étonne d'une tache de couleur qui apparaît sur le flanc d'un wagon.
On dirait qu'elle s'agite.
Est-ce le miroitement du canon d'un fusil?
Le jeune pilote connaît ces étranges diffractions de la lumière.
Combien de fois, là-haut dans les airs, a-t-il traversé ces arcs-en-ciel qu'on ne voit pas depuis la terre, comme des traits multicolores qui relieraient les nuages.
L'appareil entame sa plongée, et sur le manche la main du pilote se prépare.
Devant lui, la tache rouge et bleu continue de s'agiter. Les fusils de couleur ça n'existe pas, et puis cette étoffe blanche au milieu, n'achève-t-elle pas de former un drapeau français ?
Son regard se fige sur ces bouts de tissu que'on agite depuis l'intérieur d'un wagon.
Le sang du capitaine anglais ne fait qu'un tour, son pouce s'immobilise ..
- Break, break, break! Hurle-t-il dans la radio de Bord, et pour s'assurer que ses ailiers ont entendu son ordre, il remet les gaz en battant des ailes à tout-va et reprend de l'altitude.
Derrière lui, les avions rompent leur formation et tentent de le suivre. on dirait un escadron de Bourdons affolés qui grimpent vers le ciel.
De la lucarne, je vois les avions s'éloigner.
Je sens bien les bras de mon petit frère qui fléchissent sous mes pieds, mais je m'accroche à la paroi, pour voir les aviateurs continuer de voler.
Je voudrais être l'un d'eux; ce soir, ils rejoindront l'Angleterre.
- Alors ? supplie Claude.
- Alors, je crois qu'ils ont compris. Leur battement d'ailes est un salut.
Là-haut, les appareils se regroupent.
Le jeune chef d'escadrille informe les autres pilotes.
Le convoi qu'ils ont mitraillés, n'est pas un train de marchandises.
À bord, ce sont des prisonniers.
Il a vu l'un d'entre eux qui agitait un drapeau pour le leur faire savoir.
Le pilote incline son manche, l'avion se penche et glisse sur son aile.
D'en bas, Jeannot le voit faire demi-tour et rebrousser chemin pour se positionner à l'arrière du convoi.
Et puis, à nouveau le voilà qui plonge vers le sol, cette fois, son allure est calme.
L'appareil remonte sur le travers du train.
On dirait presque qu'il plane en rase-mottes, à quelques mètres seulement du sol.
Le long des talus, les soldats allemands n'en reviennent pas, aucun n'ose bouger.
Le pilote, lui, ne quitte pas des yeux ce drapeau de fortune qu'un prisonnier continue d'agiter à la lucarne d'un wagon.
Quand il arrive à sa hauteur, il ralentit encore, à la limite du décrochage.
Son visage se tourne.
L'espace de quelques secondes, deux paires d'yeux bleus se fixent.
Ceux d'un jeune lieutenant anglais à bord d'un chasseur de la
Royal Air Force et ceux d'un jeune prisonnier
juif qu'on déporte en Allemagne.
La main du pilote se porte à sa visière et elle honore le prisonnier qui lui rend son salut.
Puis l'avion s'élève, accompagnant son envol d'un dernier salut d'ailes.
- Ils sont partis? demande Claude.
- Oui. Ce soir, ils seront en Angleterre.
- Un jour tu piloteras, Raymond, je te le jure!
- Je croyais que tu voulais m'appeler Jeannot jusqu'a la fin de cette Guerre ...
- On l'a presque gagnée la guerre, frérot, regarde les traînées dans le ciel.
Le printemps est revenu.
C'est Jacques qui avait raison.
Ce 4 juillet 1944, à quatre heures dix de l'après¬midi, deux regards se croisaient au milieu de la guerre ; quelques secondes à peine,
mais pour deux jeunes hommes, le temps d'une éternité. MARC LEVY
http://marclevy.info/index_fr.aspxEt mon petit plus :
Bein oui j'ai d'ailleurs un Souvenir perso d'un Recit.
Bon en fait le pilote etait Belge, et n'etait pas Anglais . (SQN609)
Le jeune était un resistant Francais déporté en Allemagne ( ou plutot une grnd nombre de Francais ..) .
Le pire c'est que le pilote (Moi) avait fait un passage et déja pas mal de dégats ... et puis au deuxieme passage Horreur .. la vision de déportés dans une fuite éperdue ,et la le sang se glace le leur et le mien ..
MERDE j'ai tiré sur mes Fréres ..
Oui c'est vrai en Normandie j'ai tiré sur des ambulances Boches mais ce sont des SS abhorrés qui se sauvaient ...
Je suis con .. je tire plus jamais ... tiens non , la ce sont de sales Boches planqués dans les bas cotés un coup de palonnier a gauche .. bandes des laches voici mes 20 MM . Je Pleure ... j'ai mal , pour la premiere fois je vous hais ..
Déja que dans l'escorte précédente sur Namur j'ai constaté que les "COW BOYS" dans leur B17s avaient raté le pont et tués mes Concitoyens .. la gachette m'a démangé .. le Stick tremblait dans mes mains , non je tire pas sur un allié il ne sait pas qu'il leur fait du mal .. qu'il me fait du mal .
Mais c'est dur, dur a comprendre .. moi qui lutte pour la liberté pourquoi dois je donc en priver certains a jamais ..
Et cela c'est pas de Lévy ..
PS : le moi c'est pas Haddock ,bien sur, c'est le pilote qui m'a fait ce récit ..il est mort le temps passe mais souvent je pense a lui ..