La mobilisation.
Le 27 septembre 1938, l'Armée belge fut mise sur pied de paix renforcé.
Onze mois plus tard, c'était la mobilisation, l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes et l'entrée en guerre de la France et de l'Angleterre.
Le Commandement créa, le 26 août 1939, une escadrille d'avions-estafettes dotée d'appareils civils réquisitionnés.
Parmi une douzaine d'avions ainsi rassemblés, il y eut un DH-60 Moth, un SV-4B, un Bulte RB-30, un Stinson, deux SV-4, un DH¬80 Puss Moth, un Percival Vega Gull, un Tipsy, deux DH-85 Léopard Moth et un DH-90A Dragonfly.
Ces appareils assurèrent les liaisons pendant la mobilisation et la campagne de mai 1940 au cours de laquelle ils furent tous détruits ou rendus inutilisables.
Un Renard R31 du V/1 Aero
Dès le début du conflit, les avions des pays belligérants violèrent régulièrement l'espace aérien belge.
Ils le firent d'autant plus impunément que les rapides intrus ne risquaient pas d'être interceptés par la chasse belge, dont les patrouilles étaient essentiellement composées de biplans" Firefly", «Fox" ou « Gladiator" aux performances nettement inférieures aux plus récents appareils allemands, britanniques ou français.
Cependant, plusieurs patrouilles de police de l'air s'opposèrent aux incursions des avions étrangers.
Plusieurs de ceux-ci furent même contraints à l'atterrissage et internés, d'autres s'y refusèrent, ce qui donna lieu à plusieurs incidents sérieux.
Le Roi Leopold II devant son FOX no 83
Le premier de ceux-ci se produisit le 9 septembre 1939.
Il opposa des bimoteurs « Whitley" britanniques aux biplans de chasse de la base de Nivelles.
Au cours de l'engagement, un "Firefly" 30 fut endommagé et contraint à l'atterrissage, tandis qu'un « Fox VI " fut abattu en flammes.
L'équipage 31, bien que blessé, put se sauver en parachute.
Cependant, une autre patrouille de "Firefly" parvint à intercepter un "Whitley" et le contraignit à se poser è Nivelles.
D'autres événements se produisirent successivement dans les semaines suivantes, notamment ceux concernant les "Hurricanes" du Squadron 87 de la RA F, dont les pilotes s'égarèrent au-dessus du territoire belge.
Un premier «Hurricane" se posa ainsi près de Aalbeke, sur la route Courtrai - Mouscron, le 10 novembre 1939.
Quatre jours plus tard, deux autres appareils du Squadron 87 se perdirent au-dessus du littoral, l'un se posa à La Panne, l'autre à Coxyde.
Enfin, le 9 décembre, un quatrième « Hurricane " du Squadron N° 1 atterrissait à Esplechin, près de Tournai, à quelques mètres de la frontière française, que le pilote parvint à franchir après avoir abandonné son appareil sur territoire belge .
Les incidents se terminèrent plus tragiquement pour plusieurs autres appareils, sauf pour ce « Blenheim " du Squadron 57 qui dut atterrir le 16 novembre près de Waregem, le long de la route Gand-Courtrai.
il n'en fut pas de même le 22 novembre 1939, pour un " He-111 " qui, touché par la chasse française, vint s'écraser en territoire belge, comme d'ailleurs pour un «Blenheim" britannique qui, dans les mêmes conditions, vint s'abattre à Raeren au retour d'un raid sur l'Allemagne.
Une semaine plus tard se produisait l'incident curieux du 10 janvier 1940.
Un mono¬moteur de liaison " Me 108 Taifun " allemand se perdit dans la brume et atterrissait à Mechelen-sur-Meuse, dans le Limbourg belge.
A bord de l'appareil se trouvaient deux officiers possédant des documents relatifs au plan d'invasion de la Belgique et de la Hollande par les troupes allemandes.
Le 2 mars 1940, un "Do-17" fut intercepté par une patrouille de "Hurricanes» belges au-dessus des Ardennes.
L'avion allemand ouvrit aussitôt le feu.
Le « Hurricane" du Sous-Lieutenant Henrard, touché, s'écrasa au sol, celui du pilote Lieutenant dut faire un atterrissage forcé, tandis que le troisième appareil, bien qu'endommagé, put regagner sa base.
Les Sioux a Bierset
Dix jours après cette interception malheureuse, une autre patrouille, conduite cette fois par le Capitaine Charlier, faillit subir un sort identique après l'interception d'un autre" DO-17" dans la même région.
La même patrouille s'égara en France, trois jours plus tard après avoir poursuivi un bombardier.
Heureusement, les aviateurs français de la base de Saint-Omer les laissèrent repartir après les avoir ravitaillés en essence.
Jusqu'à la guerre, il y eut continuellement des incidents.
Le 16 avril 1940, un " Bloch 174" français s'écrasa à Longlier.
Le 20 avril, une patrouille de "Gladiator» ouvrit le feu sur un bombardier allemand qui s'écrasa en territoire hollandais.
Le même jour, un avion de chasse français " Morane 406"» se posa dans l'Entre-Sambre-et-Meuse avec un pilote tchèque à bord.
Le 22 avril, un " Dornier " s'abattit en bordure de la forêt d'Herbeumont, tandis que le 25, un autre" Dornier " fit un atterrissage forcé à Villers-sur-Semois.
Le 30 avril, ce fut un "Blenheim" qui se posa à Evere.
Un autre" Blenheim " et un "Lysander" manquèrent de répéter cette erreur à Wevelgem, le 2 mai.
Après l'énumération de ces quelques incidents aériens, il convient de noter que fort peu se heurtèrent au feu efficace de l'aviation ou de la DCA belges.
L'une et l'autre étaient d'ailleurs en pleine période de rééquipement.
La livraison des "Hurricane" de chasse tardait tellement que les autorités beIges durent se résoudre à l'achat de matériel complémentaire et de transition destiné à équiper le régiment de chasse.
A cette fin, une mission militaire parvint à commander 34 "Fiat 42" en ltalie.
Bien que présentant quelques défauts, ces appareils remplacèrent les" Firefly» du 1/2Aé à Nivelles.
L'autre groupe de Nivelles, le 3/2Aé, devait être équipé des 40 chasseurs" Brewster Buffalo» que la mission du Major Deweer était parvenue à acheter aux Etats-Unis.
Un Fox VI 7ieme escadrille
Quant à l'aviation d'assaut et de bombardement, elle n'existait que sur le papier.
On attendait le matériel à produire sous licence par la SABCA.
Celle-ci avait acquis la licence de production de 31 des 32 bimoteurs" Bréguet 694» destinés au 11/3Aé d'Evere.
Pour équiper les deux escadrilles du 1/3Aé on attendait pour juillet 1940 la fourniture de 24 bimoteurs "Caproni 312" à fabriquer sous licence par la SABCA.
D'autre part, la SABCA s'était assuré la production sous licence en Belgique de deux autres prototypes de la firme" Caproni ".
Il s'agissait d'une part de l'avion-école S40 et du biplace de combat S47.
Ce dernier appareil avait terminé ses essais et faisait l'objet d'une option d'achat.
Il en était de même d'ailleurs du prototype de chasse " Renard R 38"
Au début de 1940, outre la fourniture des" SV4 ", on commanda aux Pays-Bas, vingt exemplaires de l'avion d'écolage avancé" Koolhoven FK 56", Douze exemplaires de l'appareil furent livrés de février à mai 1940.
La diversité de ces commandes hâtives témoignait du désarroi d'un commandement et d'un état-major qui se refusait obstinément à considérer comme révolues les conceptions qu'ils avaient de l'emploi d'une aviation, dont on avait limité le rôle au cadre étroit d'une coopération avec les forces terrestres.
Arme chère, l'aviation ne recontrait pas les faveurs du grand public.
Un Firefly 2 a Nivelles
En attendant la livraison des avions commandés, la majeure partie du parc d'avions était constitué de biplans.
Le remplacement des appareils détruits ou mis hors service dans les régiments ne pouvaient se faire que parcimonieusement.
Faute de réserves suffisantes, et lorsque c'était possible, les avions de remplacement étaient d'un type encore plus démodé que celui qui était utilisé.
Dans le domaine de l'infrastructure cependant, la période de mobilisation fut mise à profit pour couvrir la superficie du territoire de nombreux terrains de campagne , destinés à assurer la liberté de manoeuvre des escadrilles.
Les liaisons air¬sol étaient restées embryonnaires, mais le développement en était prévu dans le courant des années 40.
De même, la protection antiaérienne des terrains devait être assurée par des canons Bofors de 40 mm, dont les premiers exemplaires vinrent remplacer ou compléter une défense qui, jusqu'alors, était prise en charge par des mitrailleuses anti-avions.
En 1940, l'Aéronautique Militaire était commandée par le Général Hiernaux .
Elle dépendait du Général Duvivier, Commandant la Défense Aérienne du Territoire (DA T).
Celle-ci regroupait effectivement les unités d'aéronautique, celles du service de guet et de l'artillerie antiaérienne (DTCA et GTA).
Les effectifs et les moyens de l'Aéronautique Militaire étaient ainsi répartis
trois régiments d'aéronautique
un régiment de troupes auxiliaires d'aéronautique qui pouvait fournir quatre unités de l'échelon du bataillon.
Ces troupes regroupaient les effectifs de huit compagnies de mitrailleurs contre avions, de huit compagnies de troupes auxiliaires et d'une compagnie de subsistution
un service de ravitaillement et de dépannage
les établissements d'aéronautique chargés de l'entretien et de la réparation des avions.
Depuis l'alerte de janvier, ils s'étaient installés partiellement à Zedelgem (Bruges).
Les bureaux, une partie des ateliers et quelques services an¬nexes s'installèrent à Zwevezele, tandis que le service des essais était resté à Evere.
et, dépendant du Commandement des Troupes de Renfort et d'Instruction, l'Ecole d'Aéronautique 38, ou Centre d'Instruction pour sous-lieutenants d'Aéronautique qui, depuis le 28 avril, avait quitté Evere pour rejoindre l'Ecole de Tir à Stene.
En outre, le Centre de Renfort 39 groupait encore les six escadrilles de l'Ecole de Pilotage et le groupe de renfort et d'instruction de Zellik.
Le 1 er régiment d'aéronautique du Colonel Foidart comportait six groupes d'observation .
Chacun des six groupes devait être mis à la disposition de chacun des corps d'armée en ligne.
Chaque groupe disposait d'une escadrille d'avions et d'une de parc 11 L'escadrille de vol devait posséder 12 appareils, non compris le SV5 et/ou le Morane de liaison.
Au lieu de 72 avions, le 1Aé ne put en aligner que 60 à l'alerte du 10 mai 1940.
Le Colonel de Woel mont commandait le régiment de chasse.
Ce 2e régiment d'aéronautique avait ses moyens répartis entre les bases de Nivelles et de Schaffen.
Cette dernière était occupée par le 1er groupe de chasse et comportait une escadrille de "Gloster " et une de "Hurricane ".
Quant à l'aérodrome de Nivelles, il était la base des 2e et 3e groupes de chasse.
Le rééquipement du Ile groupe, celui des Cocottes, avec des" Fiat CR 42 " était en cours.
Quant au 3e groupe, il attendait, pour fin mai 1940, les premiers "Buffalo" commandés aux Etats-Unis.
Un CR42 de la 4ieme escadrille
C'était le seul groupe du régiment à disposer de deux escadrilles de 15 avions, des" Fox VI " biplaces transformés en monoplaces par suppression du poste de mitrailleur arrière.
A la veille de la guerre, le groupe se trouvait complètement dissocié.
La 5e escadrille avait gagné Schaffen en vue de participer à des manoeuvres, tandis que la 6e escadrille se trouvait en période de tir au Zoute.
Sur les 90 avions de chasse organiquement prévus, le régiment pouvait en aligner 79.
La situation du 3e régiment d'aéronautique était bien plus grave encore.
Régiment de reconnaissance d'armée et de bombardement léger, entièrement basé à Evere, il ne comprenait que deux groupes sur les trois.
Quant aux escadrilles de vol, aucune ne possédait les 2 avions prévus.
Elles étaient toutes équipées d'un matériel dont le remplacement était attendu.
Sur les 72 appareils du parc d'avions, le Colonel Hugon avait pu en faire rassembler 41, y compris les" Fox VIII" de la 7e escadrille du 111/3Aé qui avaient rejoint Schaffen le 9 mai en vue des manœuvres.
Pour l'ensemble des trois régiments, l'Aéronautique Militaire ne pouvait engager que 180 avions de première ligne sur les 234 organiquement prévus.
Ce total ne comprenait qu'une dizaine d'avions modernes dont le sort allait se jouer dès les premières heures de la guerre.