En septembre 1939, une mission belge parvint à négocier l'achat aux Usines" Fiat" de 34 exemplaires du "CR-42" en vue de rééquiper les 3e et 4e Escadrilles du 11/2Aé de Nivelles.
Vu l'urgence, la commande (39/581) fut passée en décembre 1939.
La firme italienne livra ses premiers appareils aux Etablissements de l'Aéronautique, fin février 1940.
La fourniture se fit de façon assez irréguiière, soit isolément, soit par groupes de 2, 3 ou 4 avions. Assemblées dans les ateliers d'Evere, les machines furent confiées ensuite au service des essais.
Le R-15 y fut retenu par suite de vibrations anormales provoquées par le mouvement de l'hélice.
Le 6 mars 1940, la 3e Escadrille de Chasse reçut ses premiers avions en remplacement des vieux" Firefly" utilisés jusqu'alors.
La mise en service des" Fiat " fut cependant marquée par deux incidents.
En avril 1940, le Capitaine Arend, du Service des Essais, endommagea gravement le R-10 à l'atterrissage à Nivelles lors de sa livraison.
Le 30 du même mois, le pilote Cou¬turier de la 3/11 se tua avec le R-12 à la suite d'une vrille sur le dos.
Sur les 27 avions effectivement livrés au 10 mai 1940, trois étaient devenus indisponibles et un quatrième, le R-19, était en cours de montage.
Ce furent donc 23 appareils qui décollèrent de Nivelles à l'aube du 10 mai, peu avant le bombarde¬ment de l'aérodrome par les avions allemands: les 15 de la 3e Escadrille et 9 seulement à la 4e Escadrille.
En atterrissant au terrain de Brustem, le pilote Mi¬chotte de la 4/11 capota et détruisit le R-20, tandis qu'on constata l'absence du R-4 du pilote Yves Dumonceau de Bergendael qui, on l'apprit à son retour, s'était égaré à Wevelgem, avant de reprendre la direction de Brustem.
Une première mission de protection du terrain fut exécutée avec trois patrouilles de trois avions :
1 er peloton : Capitaine de Callatay et les pilotes Hansel et Van Molkot
2e peloton : Lieutenant Charles Goffin et les pilotes Delannay et Sans
3e peloton : Sous-Lieutenant Jean Offenberg et les pilotes Maes et Jottard
La première patrouille engagea une formation de Ju-52 mais, interceptée par des Me-l09, elle dut rompre le combat bien que les salves du Capitaine de Callatay durent endommager un avion ennemi.
La patrouille du Lieutenant Goffin ne prit l'air qu'avec deux avions, le moteur du pilote Sans refusant de se mettre en marche.
Le duo Goffin-Delannay se heurta presqu'aussitôt aux Me-l09.
Un de ceux-ci fut abattu par Goffin mais l'appareil de Delannay fut touché.
Le pilote parvint à sauter en parachute de son avion en flammes mais, mortellement blessé, il mourut à l'hôpital de Saint-Trond.
A l'atter¬rissage, Goffin endommagea son appareil.
Le troisième peloton s'en prit à des bombardiers allemands.
Le pilote Maes endommagea un Do-17, tandis qu'Offenberg en abattit un autre près d'Alken.
Au début de l'après-midi, une patrouille de la 4/11 fut chargée de la protection d'un "Renard R-31 » du VI/l Aé, envoyé en reconnaissance sur le Canal Albert.
Au retour de cette mission, le Lieutenant Werner de Mérode surprit un Do-17 qu'il descendit.
Après que le R-19, venant d'Evere, eut rejoint Brustem, il y avait 22 " Fiat" sur la plaine lorsqu'un raid de bombardiers allemands détruisit tous les appareils de la 3e Escadrille en fin de journée.
A partir de ce moment, les pilotes du 11/2Aé durent se partager les appareils de la 4e Escadrille qui, mieux camouflés sous un verger et encastrés dans les haies, échappèrent au désastre.
Réduit à 9 avions, le groupe des Cocottes du Major Lamarche quitta Brustem le 11 mai pour gagner le terrain de Nieuwkerken, après un arrêt à Grimbergen où on abandonna une machine avariée qui put cependant rejoindre l'unité le lendemain.
Le 14 mai 1940, six" Fiat" décollèrent• pour une mission de protection au profit des troupes françaises embarqLlant en gare de Fleurus à l'issue des combats de Gembloux.
Au cours des engagements aériens qui eurent lieu au cours de cette mission, le Capitaine Callatay et les pilotes de Moerloose et Michotte s'adjugèrent chacun la perte d'un avion ennemi.
Le R-22 de l'Adjudant Elie Français fut touché, mais parvint à se poser à Nivelles où le pilote abandonna un avion rendu inutilisable.
De plus en plus réduit (deux autres CR-42 ayant dû être abandonnés par manque de pièces de rechange), le 11j2Aé fit mouvement vers le terrain de Aalter le 16 mai, avant de gagner Norrent-Fontes après une escale à Zwevezele.
Engagés, dès les premières heures de la guerre, contre une aviation allemande possédant la suprématie aérienne totale, et malgré d'évidentes déficiences du matériel, notamment la mauvaise synchronisation du tir des mitrailleuses au travers du pas de l'hélice et la limitation du champ de visibilité du pilote, les" Fiat CR-42 " se révélèrent être des machines particulièrement maniables aux mains des pilotes belges.
Cette manœuvrabilité permit à l'unité de remporter cinq victoires aériennes en six jours pour la perte de deux avions et d'un pilote en combat aérien.
Six" Fiat " arrivèrent à Chartres, le 18 mai et, à la demande du Colonel Bladinier, commandant la base française, les" Fiat" belges assurèrent la défense du terrain. Le 19 mai, au cours d'un bombardement, le R-26 du pilote Maes fut détruit, tandis que deux autres appareils furent endommagés.
A la fin du mois de mai 1940, l'Italie livra encore trois ~ CR-42 ". Assemblés à Bordeaux-Mérignac par le personnel des Etablissements d'Aéronautique, ils rejoignirent Chartres par la voie des airs le 1 er juin 1940, avec le Capitaine Rucquoy, les Adjudants Dubois et Claert.
Le solde de la commande belge, soit quatre appareils, ne fut jamais livré.
Le 12 juin 1940, les « CR-42 " quittèrent Chartres et, via Cognac, arrivèrent à Bordeaux-Mérignac.
Au cours d'une dernière mission, effectuée le 15 juin, l'Adjudant Moreau eut j'occasion d'engager un «Dornier" qu'il endommagea.
Lorsque la France déposa les armes et malgré l'interdiction incompréhensible qui lui en avait été faite, le Major Lamarche gagna Fréjorgues avec ce qui restait du IIj2Aé.
Le 27 août, le Capitaine d'Hoore y remit les « Fiat" R.-24, 29, 31, 32 et 33 au Colonel Parpiel, commandant le Parc 108 de l'Armée de l'Air française.
Bien que rendus inutilisables, ils y furent récupérés par les Italiens.
Plusieurs pilotes des « Cocottes" rejoignirent les rangs de la R.A.F. où ils firent preuve de leur valeur. Parmi eux, il y eut Offenberg, Jottard, Van Molkot, etc ...